MaPrimeRénov’ à l’arrêt : un séisme pour les professionnels du bricolage

La suspension brutale de MaPrimeRénov’, annoncée le 4 juin 2025 par le ministre de l’Économie Éric Lombard, plonge le secteur du bricolage et de la rénovation énergétique dans l’incertitude. Officiellement motivée par un encombrement des dossiers et une explosion des fraudes (estimées à 50 millions d’euros), cette décision intervient alors que le budget 2025 de 2,3 milliards d’euros est déjà épuisé 12. Les professionnels du bâtiment, déjà fragilisés par des retards de paiement et une crise de trésorerie, redoutent un effondrement de leur activité. Pire encore, les enseignes de bricolage, qui avaient obtenu leur réintégration dans le dispositif après un intense lobbying en mai, se retrouvent aujourd’hui face à un guichet fermé 16. Dans un contexte où la transition énergétique est pourtant une priorité nationale, cette pause menace des milliers d’emplois et laisse des ménages dans l’expectative.

Un dispositif victime de son succès… et de ses dysfonctionnements

MaPrimeRénov’, lancé il y a cinq ans, était devenu le pilier des aides publiques pour la rénovation énergétique des logements. Pourtant, le système a rapidement montré ses limites : 14 réformes en cinq ans, des critères d’éligibilité changeants, et une fraude massive (12 % des dossiers jugés « suspicieux ») ont conduit à une paralysie administrative. Résultat : les délais de traitement, censés prendre 35 jours, s’étirent parfois sur six à neuf mois, plongeant les artisans et les ménages dans une situation financière intenable.

L’Agence nationale de l’habitat (Anah), en charge du dispositif, reconnaît des défaillances, mais se défend en soulignant avoir bloqué 230 millions d’euros de fraudes en 2024. Malgré cela, les entreprises du bâtiment sont exsangues : certaines, comme Femat ou Home Expert Habitat, sont au bord de la faillite en raison d’impayés atteignant 3,2 millions d’euros.

Un coup de massue pour les acteurs du bricolage

Les grandes surfaces de bricolage (GSB) comme Leroy Merlin, Castorama ou Brico Dépôt, qui représentaient 30 % de l’activité du secteur, sont en première ligne. Après avoir évité de justesse une exclusion du dispositif en mai 2025, elles doivent désormais faire face à un arrêt soudain des demandes.

Les conséquences économiques sont lourdes :

  • Baisse des ventes : Les matériaux liés à la rénovation énergétique (isolation, chauffage, panneaux solaires) pourraient voir leurs ventes chuter de 15 à 25 %.
  • Licenciements : La CAPEB (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment) estime que 10 000 emplois sont menacés.
  • Désengagement des artisans : 30 % des entreprises refusent désormais les chantiers MaPrimeRénov’ par peur de ne jamais être payées.

Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), résume la colère du secteur : « Si ça continue, je vais fermer ma boîte ». Des manifestations et des blocages sont envisagés dès le 13 juin pour protester contre cette décision.

Les ménages, grands perdants de cette suspension

Pour les particuliers, l’annonce est un chocCharles Train, un propriétaire en attente de 42 000 € d’aides, témoigne : « Si nous ne touchons pas cette subvention, notre budget sera ruiné. Les ménages modestes, déjà confrontés à la précarité énergétique, risquent de renoncer à leurs travaux, laissant des passoires thermiques (logements classés F ou G) sans amélioration.

Quelles alternatives ?

  • Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) : Encore accessibles, mais moins avantageux.
  • Éco-PTZ : Prêt à taux zéro jusqu’à 50 000 €, mais sans condition de ressources.
  • Aides locales : Certaines régions (Lyon, Ardèche) maintiennent des dispositifs, mais les enveloppes sont épuisées.

Une crise qui appelle des solutions urgentes

La suspension de MaPrimeRénov’ n’est pas qu’un simple ralentissement administratif : elle met en lumière une gestion chaotique et un manque de vision à long terme. Alors que la France s’est engagée à rénover 900 000 logements par an d’ici 2030, cette décision risque de saper les objectifs climatiques et d’aggraver la crise du logement.

Les professionnels du bricolage et du bâtiment, déjà sous tension, réclament stabilité et transparenceJean-Christophe Repon (CAPEB) insiste : « Les artisans ont besoin de visibilité pour survivre ». Quant aux ménages, ils se retrouvent démunis, contraints de reporter leurs projets ou de s’endetter.

Le gouvernement promet un retour du dispositif « avant fin 2025 », mais sous quelle forme ? Simplification des démarches, lutte renforcée contre la fraude, budget revu à la hausse : les pistes existent, mais le temps presse. Une chose est sûre : sans une relance rapide et efficace, c’est toute la filière de la rénovation énergétique qui risque de s’effondrer, avec des répercussions désastreuses sur l’emploi, le pouvoir d’achat et la transition écologique.

Retour en haut